Lorsque « Tuberculoids » démarre, l’auditeur n’est pas pris en traître et obtient exactement ce qu’on lui avait promis, c’est-à-dire du Mars Volta sous acide porté par une batterie épileptique. C’est en presque désagréable tant on arrive pas à cerner au départ les différences fondamentales qui séparent Le groupe du side-project. La déception essaye de s’introduire en soulevant des questions qu’on refoulait depuis longtemps : est-ce qu’Omar Rodriguez et Cedric Bixler Lopez ne vont pas finir par nous épuiser ? Cette voix, ces riffs, ces constructions proches du bœuf, ces coupures nettes sans aucune mise en garde… ne sont-ils pas entrain de refaire inlassablement le même film ? Voilà les tristes questions qui assaillent à l’écoute de « Half Klepto ». Finalement on se dit que les détracteurs avaient peut être raison, que comme beaucoup de musicien à l’ambition aussi disproportionnée que leurs prédispositions techniques, le duo latino-américain ne sait pas canaliser son talent et écrire de vraies chansons. The Mars Volta (désolé pour l’association mais c’est bien d’eux dont il s’agit) souffrirait-t-il au fond d’une déficience de songwriting ? La question est légitime et « Cryptomnesia » y apporte immédiatement la réponse. Et la réponse est la suivante : le songwriting d’Omar et Cedric, on s’en bat juste la race ! El Nuevo Grupo d’Omar Rodriguez arrache de bout en bout : psychédélique, bourrin, rapide et transcendant, il ne laisse finalement aucune place à la réflexion et aux questions !
« They’re coming to get you, Bar » est un instrumental monstrueux totalement math-rock rappelant les meilleures compositions d’Hella, un instrumental où guitare et batterie se livrent un duel sans merci, un affrontement sans pitié dont personne ne sortira indemne. « Punky Humans » malgré son titre et ses 2 minutes 38 au compteur n’a rien d’une chanson d’At The Drive In mais à tout du concentré d’idées Mars Voltiennes sur une durée la plus courte possible. Pourtant aussi courte soit la décharge, elle n’empêche pas le titre d’explorer une dizaine de directions différentes, qui débouchent sur « Shake is for 8th Graders » sa suite directe, un diptyque infernal utilisant des samples de voix un peu à la From Monument To Masses (malgré des sons de crissements parfois pas très agréables). Sur « Noir », Zack Hill déploie ses rythmiques incroyables dans un titre mystico tribal qui emmène l’auditeur dans les entrailles de la musique noisy. Dans sa deuxième partie : on se croirait presque chez Fantomas ; l’influence des folies de Mike Patton se faisant d’ailleurs ressentir à maintes occasions. « Paper Cunts » et « Elderly Pair Beaten With Hammer » offrent leurs beaux moments de démonstration technique, avec notamment un duo saxo / batterie aussi oppressant que brillant.
De manière assez incroyable cette fusion The Mars Volta + Hella est bien égale à la somme des talents qui la composent. En raccourcissant ses formats, en évitant les digressions interminables et en se focalisant sur un créneau quasi inoccupé (le psyché math-rock jazzy), El Nuevo Grupo d’Omar Rodriguez retrouve la ferveur punk des débuts. Un disque à la fois spontanée, technique, réfléchis et surtout ultra efficace. Si « The Bedlam in Goliath » m’avait fait fléchir la jambe gauche, « Cryptomnesia » me met juste à genoux en donnant à The Mars Volta la respiration dont leurs 3 derniers albums manquaient.
Note : 8,5/10