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Tombée du Ciel d’Alice Develey : seule face au démon

Publié le 22 août 2024 aux éditions L'Iconoclaste

Par Benjamin Fogel, le 22-08-2024
Littérature et BD

Alice, 14 ans, souffre d’anorexie. Internée contre son gré, sur décision des médecins et avec l’accord de sa mère, elle se retrouve prisonnière d’un hôpital qui soigne le corps, mais pas l’esprit. Le personnel hospitalier s’apparente à ses yeux à des gardiens de prison, plus qu’à des soignants. Son mal est incarné par une entité nommée Sissi, amie imaginaire qui lui dicte sa conduite, lui interdit de manger, l’oblige à surveiller son poids et à jouir du moindre gramme perdu.

La forme, pleine de beauté et de noirceur, sert d’écrin au fond

Tombée du Ciel fait partie de ces textes, où les éditions de L’Iconoclaste excellent, qui mélangent intensité littéraire et essai sur sa propre intimité, qu’il s’agisse d’une maladie, ou d’une spécificité qui modifie le regard sur le monde et permet de l’éclairer sous un angle différent, à l’instar de Où vont les larmes quand elles sèchent de Baptiste Beaulieu. La forme, pleine de beauté et de noirceur, sert d’écrin au fond : un guide pour mieux comprendre les malades, qu’ils soient nos enfants, nos amies ou ici l’autrice.

On pourrait voir dans Tombée du Ciel un roman d’horreur sur l’automutilation, un conte fantastique où une jeune femme est possédée par un esprit démoniaque (Sissi) ou encore un thriller sur une personne enfermée contre sa volonté, maltraitée par des médecins qui l’immobilisent de force et la bourrent de médicaments. Mais en réalité, malgré sa monstruosité – ou à travers elle – Tombée du ciel est strictement un livre sur la terrible réalité de l’anorexie et de son traitement. Une maladie où les patients sont souvent punis comme s’ils étaient responsables de leur pathologie, comme s’ils l’avaient eux-mêmes provoquées. « L’anorexique ne refuse pas de manger, écrit Alice Develey. Elle ne ressent pas la faim, ce qui est bien différent. Or voilà l’une des mauvaises conceptions qu’on se fait d’elle : l’anorexique ne veut pas se nourrir. Comme si cette décision lui appartenait. L’anorexique ne décide pas de se priver de nourriture, elle ne fait pas de régime, elle ne fait pas. Elle se défait. L’anorexique n’est pas dans la privation mais dans la disparition. »

Une réflexion passionnante sur les errances de la prise en charge de la maladie

L’ensemble révèle une réflexion passionnante sur les errances de la prise en charge de la maladie. Alice Develey écrit parce « qu’on oublie ceux qui parlent pas » et pour alerter sur le sort des malades infantilisés et privés de leur liberté. Un premier roman, à même de faire bouger les lignes, qui allie le style et le propos, en faisant jaillir avec justesse et précision les pensées intimes d’une adolescente de 14 ans.