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Toutes les vies de Théo de Nathalie Azoulai : les identités malléables

Publié aux éditions P.O.L le 2 janvier 2025.

Par Benjamin Fogel, le 25-01-2025
Littérature et BD

Léa, juive non pratiquante et avocate, et Théo, catholique et breton, d’origine allemande, et spécialiste de la représentation de la Shoah dans l’art, forment avec leur fille Noémie une famille unie. Mais les inquiétudes générées par le 7 octobre 2023 fragilisent leur couple. Léa ne contrôle plus ses obsessions, tandis que Théo n’arrive plus à enfouir ses reproches, fermentés en secret au fil des ans, à l’encontre de Léa et sa famille.

Toutes les vies de Théo, le nouveau roman de Nathalie Azoulai, débute comme une analyse des répercussions de l’Histoire sur les relations intimes, et sur la difficulté à s’aimer dans un monde où les sujets de polarisation et les positions irréconciliables sont légion. Mais au fil des pages, une bascule psychologique s’opère. Nathalie Azoulai raconte avant tout ces relations d’amour qui viennent combler un vide, et via lesquelles il s’agit de trouver sa place dans l’existence. Théo a déterminé sa personnalité au regard de celle de Léa. Existe-t-il pour elle ? À travers elle ? Joue-t-il un rôle ou s’adapte-t-il en son âme et conscience ? Quels sont les points de rupture, au-delà desquels il n’est plus possible de suivre l’autre ?

Ces relations d’amour qui viennent combler un vide

Dans un style limpide, Nathalie Azoulai enchaîne les idées et les concepts, restant volontairement à la marge des émotions pour s’attacher aux faits. Une technique clinique qui permet d’explorer en 265 pages « toutes les vies de Théo » sur plusieurs décennies.

Centré sur Théo, le roman dévoile ce qu’il y a sous le vernis lorsqu’il craquelle. Imposant aux lecteurs et aux lectrices de vivre aux côtés de Théo, Nathalie Azoulai les pousse à se confronter aux zones d’ombre de ce dernier, à l’égoïsme d’un homme qui croit pourtant tout faire pour ses compagnes, alors qu’il fait semblant de les comprendre et de les soutenir. Théo s’avère incapable d’être à la hauteur des femmes puissantes dont il tombe amoureux. Au point de se demander s’il ne se trompe pas de voie, et de chercher le chemin à parcourir pour révéler sa propre identité.

Ambigu et complexe

Ambigu et complexe, Toutes les vies de Théo raconte en filigrane la capacité innée de chacun à s’intéresser aux malheurs d’autrui, au-delà des cultures, des religions et des identités, tout en questionnant le coût de ces projections. Si les perceptions peuvent être différentes selon les personnages auxquels on s’identifie, le roman, lui, ne prive aucun protagoniste du droit au bonheur. Une des belles réussites de ce début d’année.