Initialement side-project de Scott Hull de Pig Destroyer, j’ai toujours considéré Agoraphobic Nosebleed avec un certain mépris. Des albums comme « Altered States of America » et ses 99 compos vomies en 20 minutes, me faisaient rire mais restaient pour moi du niveau de la blague de mauvais goût. La violence d’Agoraphobic Nosebleed ne m’avait jamais touchée. D’ailleurs si je n’avais écouté que « Timelord One (Loneliness of the Long Distance Drug Runner) » deuxième titre de l’opus où le groupe éructe en 56 seconde son agressivité extrême dénuée de nuance, vous ne seriez probablement pas en train de lire cet article.
Car malgré les apparences, rien ne sera jamais plus pareil avec « Agorapocalypse ». Varié, extrême, sans pour autant nier le passif du groupe (le gringcore, l’utilisation de la boite à rythme), Agoraphobic Nosebleed s’ouvre enfin sur le monde et sur lui même, et se dévoile en intégrant plein de nouveaux éléments, un peu à la manière du dernier Lamb Of God, dont « Timelord Zero (Chronovore)/Agorapocalypse Now » n’est pas si éloigné. Avec un line-up renouvelé qui s’adjoint les services d’une chanteuse (une dénomée Kate qui ferait passer les disques d’Otep pour la BO d’un film avec des enfants de chœur et Gérard Jugnot) le groupe trouve la respiration et l’inspiration. Après je vous préviens, si à la première écoute vous avez l’impression qu’il n’y a que des hommes sur ce disque, ne paniquez pas, j’ai mis du temps à réaliser que certains des hurlements venaient d’une femme au visage de poupée.
Les distorsions malsaines s’accouplent au riffs les plus épileptiques, le tout porté par une boite à rythme lancée à 200 bpm sur l’autoroute de la fureur (« Moral Distorsion »).« First National Stem Cell and Clone » est une piqûre de rappel, un point d’ancrage dans la violence. « Trauma Queen » est portée par un riff monstrueux. « Question of Integrity » se conclue sur un sur solo de batterie. Un solo brillant de batterie pour un groupe ne possède pas de batteur ??? Devrais-je arrêter d’écrire des chroniques sous Armagnac ? Non, c’est juste que Scott Hull en est arrivé à une telle maîtrise de la boite à rythme qu’à la manière d’un Aphex Twin, sa boite à rythme devient une extension de lui même. A ce rythme là, les batteurs risquent de connaître le même sort que les caissières : être remplacés par des machines (cette dernière phrase nécessite-t-elle une aparté politique ? Non ? Tant mieux !).
Des riffs hypnotiques, il y en a sur ce « Agorapocalypse » comme sur « White on White Crime » où parfois la violence se fait intrinsèque et trouve sa place confortablement chez l’auditeur. En revanche, à d’autres moments, les nouveautés hardcore se font damner le pion par des cris gutturaux bien plus proches du death, et l’auditeur se retrouve à nouveau acculé par une écoute des plus fatiguantes.
Certes si musicalement parlant, la différence de niveau est de taille, on ne peut pas non plus vraiment dire que le groupe ait gagné en maturité. Il fait toujours preuve d’un humour douteux (cf le titre « Druggernaut jug fuck » et d’un certain mauvais goût en terme de visuels) mais voilà, il y a cette nouvelle puissance de feu qui en fait un groupe de grind « accessible » et qui ne cesse de surprendre à chaque détour de riff : Même Metallica et Pantera n’aurait pas craché sur certains de ces plans.
Ainsi comment ne pas plier sous la violence d’un « Flamingo Snuff ». A l’écoute de ce « Agorapocalypse » je ressens le sentiment puissant que la rage juvénile ne m’a jamais quitté, qu’elle s’est juste métamorphosée, et en ça ce disque est presque rassurant. Maintenant il conserve les défaut inhérents au style : à savoir un côté trop abrasif et rentre dedans qui finit par introduire de la lassitude là où il n’y avait à l’origine que de la saine colère.
Avec toutes ses qualités, « Agorapocalypse » reste un excellent album de grindcore qui aura malgré tout peut-être quelques difficultés à conserver sur la durée son impact initial : le genre d’album passionnant le temps d’une semaine, mais qu’on ne se sentira pas le courage de réécouter au moment du bilan de l’année.
Note : 6,5/10