Le folk apocalyptique se doit de puiser dans les cultures anciennes, dans les rites du passé, dans la mythologie ancestrale. Non pas que ses représentants soient illuminés et vivent dans un monde où magie, chimères et barbares en armure se doivent d’orner les pochettes, mais bien qu’il s’agit d’une musique naturellement emprunte d’incantations et de déclarations sacrées. Ainsi si Sol Invictus trouve ses origines dans l’empire romain de l’ère pré-chrétienne au travers du culte solaire de L’empereur Aurélien, Kiss the Anus of a Black Cat se réfère lui à la magie noire et au rite des sorcières du moyen-âge. Depuis on ne sait s’il s’agit d’un rituel destiné à semer le chaos ou au contraire à conjurer le mauvais sort, et ce n’est pas « Hewers Of Wood And Drawers Of Water » qui nous apportera le moindre début de réponse.
Plus proche en termes de construction de « An Interlude To The Outermost » que du précédent « The Nebulous Dreams », ce quatrième album revient à des morceaux plus courts sans pour autant modifier les composants de bases de la potion. C’est un disque qui suggère une peur permanente, comme si à chaque instant les ténèbres risquaient de s’abattre sur les chansons, mais au moment pile où la tempête s’apprête à ravager la mer et à faire dessaler la caraque, une aura solaire divine déchire le ciel et repousse les nuages aux âmes lourdes loin des aspirations humaines (« Veneration »). Tout est alors doucereux, les marins agrippent la rambarde avant, redressent leur carcasse et affrontent la mer yeux dans les yeux, l’orage est passé, l’artimon est dressé et le bateau remonte face au vent (« Hewers Of Wood And Drawers Of Water »). Fuir la sorcière à travers les mers ; fuir celle qui inquiète les fantômes et vole le cœur des trépassés, et espérer que l’ange Gabriel veillera de sa folk engagée sur les survivants (« Feathers Of The Wings Of The Angel Gabriel »). Malheureusement, les divinités sont les plus à mêmes à se détourner des hommes, et c’est dans les héros modernes, David Tibet en tête, que se trouvent les meilleurs alliés (« All The Heroes Run In Armor »).
Après Kraak et Conspiracy Records, Zeal Records est le troisième label à accueillir le sextet belge dont le nom aurait tendance à détourner ceux qui recherchent dans la musique autre chose que des blagues potaches et qu’une simple pochette au mauvais goût pourtant assumé peut détourner à jamais. Pourtant tout ici joue sur un niveau de lecture non primaire : plus que jamais la folk apocalyptique est un grimoire qui recèle de textes anciens destinés à nous aider à survivre à la modernité.
Note : 8/10
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