On pensait savoir, on pensait avoir su interpréter les signaux mais Low n’est pas un groupe qui évolue en fonction de la logique, c’est un groupe qui ne s’impose pas aux albums et qui laissent les albums venir à lui. Pourtant il paraissait légitime de penser à l’écoute de « Drums and Guns » que les américains entamaient un nouveau cycle, qu’ils avaient transfiguré et le son Low et le concept qui l’accompagnait. L’affaire paraissait pliée : d’un côté Low explorerait de nouvelles terres, de l’autre Alan Sparhawk poursuivrait sa passion pour la guitare dans une forme plus rock du Low de « The Great Destroyer » via le projet Retribution Gospel Choir. On pensait même que ce groupe parallèle permettrait au chanteur guitariste de déverser ailleurs ses compositions faiblardes (ce que « 2 » semblait confirmer ») pour ne conserver que la quintessence pour son groupe en forme de mantra de vie.
Malheureusement à l’écoute de « C’mon », l’encre de nos grandes analyses s’efface sur le papier : Low reprend les choses là où « The Great Destroyer » les avait laissées, en prenant soin de ne pas réitérer les erreurs du passé et en délestant son slow-rock des égarements catchy croisés et décriés sur des chansons comme « California ». Cependant ces « erreurs » du passé sont celles qui conféraient un charme certain à des titres comme « Everybody’s Song ». Et très vite la désagréable sensation d’être face à une version aseptisée perce (« Witches ») ; une sensation renforcée par le fait de retrouver le songwriting mollasson du deuxième Retribution Gospel Choir. Low a beau conserver sa classe et son charme naturel, il y a un côté anachronique à le voir se raccrocher à nouveau au concept de lenteur qu’il avait pourtant écumé de long en large entre 1994 à 2002 (« Majesty/Magic »). Quant aux textes, s’ils restent le plus souvent la porte d’entrée à la beauté lowienne, on les sent également happé par une certaine lassitude où les mots « My love is for free, my love » se répètent encore et encore (« $20 »).
Sur « C’mon », on ne retrouvera donc ni la folie de « Pretty people » (et l’influence de David Tibet), ni le songwriting racé de « Breaker », ni les ambiances rugueuses de « Dragonfly » et à un moment ou un autre on en retirera une certaine frustration. A la place, on restera perplexe face à la production qui ne laisse pas respirer les meilleures chansons comme ce « You See Everything » où l’on se rappelle la richesse que conserve la voix de Mimi Parker. Effectivement ce neuvième album est produit par Matt Beckley, un grand habitué des productions popisantes (Avril Lavigne, Britney Spears ou encore Kesha) qui a mixé « 2 », mais au lieu de se focaliser sur ce qu’il sait faire et d’éventuellement emmener le son de Low vers des tonalités plus fédératrices, il se contente de coller le plus possible au cahier des charges comme pour s’acheter une légitimité indé (« Nothing But Heart »).
En sautant à cloche pied la bouche pleine d’une pop qui se veut à la fois ardue et touchante, Low titube et noie sa finesse dans des chansons affectées comme « Done » et « Nightingale ». Les mots auxquels nous étions volontairement suspendus collent aujourd’hui aux doigts.
Il faut peut-être voir « C’mon » comme le dernier regard en arrière avant une mutation définitive ; et ce même si l’expérience a montré qu’il était bien prétentieux de « voir » quoique ce soit avec Low.
Note : 6/10