DHARMA GUNS (LA SUCCESSION STARKOV) de F.J. Ossang
Sortie le 09 mars 2011 - durée : 1h33 min
L’affiche suffit à évoquer Guy Maddin ou les frères Quay, improbables cinéastes dont les bricolages filmiques, entre fantasmagorie et psychanalyse de l’extrême, en ont traumatisé plus d’un. Ce noir et blanc, cette femme semblant sortir d’une autre époque, cet arrière-plan où apparaît un skieur nautique aux allures beaucoup moins vintage… Dharma guns ne cache pas son statut d’OVNI, de petit laboratoire dans lequel un réalisateur s’exercera sous nos yeux à expérimenter toutes sortes de formules. Le dénommé F.J. Ossang (F.J. pour François-Jacques, on comprend l’emploi des initiales) tisse une oeuvre dont la cohérence n’est pas la première caractéristique, puisque son film apparaît rapidement comme une sorte de casse-tête insoluble, un puzzle privé de la moitié de ses pièces. Bien malin celui qui parviendra à reconstituer de façon homogène le scénario du film, auquel seul son auteur parvient à trouver du sens. Après avoir essayé pendant quelques bobines de démêler l’écheveau, on finira par abandonner, déjà épuisé, et par se laisser aller dans cet univers intéressant pour d’autres raisons.
Mille effets de mise en scène, mille technique de narration, mille passages du coq à l’âne : bienvenue dans un univers génialement malade, impossible à suivre mais qui contient suffisamment d’idées stimulantes pour créer jusqu’au bout une sorte d’émulation. Celle-ci est malheureusement bien vaine puisque Dharma guns est sans doute trop clinique pour parvenir à créer un supplément de poésie qui aurait été bienvenu. Ce n’est pas un film, c’est une installation d’art contemporain, comme ces vidéos proposées dans certaines expositions qu’on ne regarde que brièvement et du coin de l’oeil, en se disant pour se donner bonne conscience qu’on aurait sans doute tout compris si on avait pu les visionner depuis le début. Il convient de l’accepter, de supporter la distance mise par Ossang entre le film et le spectateur, et d’ingérer les scènes une à une, sans désir de les relier entre elles, comme on enchaînerait les courts-métrages dans une soirée underground.
Ce qu’il y a d’amusant avec Dharma guns (car on peut s’y amuser en partie), c’est que son héros est en quête d’un mystérieux script, qu’il semble avoir écrit et qu’il aimerait qu’on lui rende. En se concentrant sur ce point, le film ressemble soudain à un auto-portrait de F.J. Ossang, qui semble lui aussi courir après son scénar, s’essoufflant beaucoup pour pas grand chose. À la fin, le héros finit par remettre la main dessus, et l’on découvre que le script en question n’est qu’un carnet constitué de croquis plus ou moins fouillés, plus ou moins fantaisistes, sans trace de texte ou presque. Bien qu’il semble aussi affectionner les phrases tordues, les dialogues alambiqués et les voix off indigestes, Ossang s’impose avant tout comme un cinéaste sensitif, moins sensationnel cependant que Maddin ou les Quay en raison d’une difficulté certaine à lâcher la bride et à improviser. Tout ça semble un peu trop calculé, dans degré de liberté, pou se montrer réellement emballant.
Note : 5/10