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WASTE LAND de Lucy Walker

Sortie le 23 mars 2011 - durée : 1h38min.

Par Thomas Messias, le 29-03-2011
Cinéma et Séries

« De la poubelle au musée », annonce fièrement l’affiche de Waste Land par la magie d’un raccourci promotionnel. Comme si le film de Lucy Walker n’était qu’une histoire de recyclage de déchets à des fins artistiques. Effectivement centré sur le plasticien Vik Muniz, ce documentaire nommé à l’Oscar a pourtant une toute autre vocation : à l’image des pratiques du brésilien, le film entend utiliser le geste artistique et son résultat pour mieux parler d’un pays en général et d’une catégorie de personnes en particulier. Au fil de ses recherches, Muniz rencontre en effet les catadores, qui ramassent et trient des matériaux recyclables en fonction des besoins et des demandes des entreprises et des particuliers. Leur vie est une décharge publique, dans tous les sens du terme : mal considérés, harassés, ils gagnent trois francs six sous pour tenter de faire survivre leurs familles.

Parti de presque rien pour arriver au sommet (au Brésil, seule une expo Picasso a eu plus de succès que la sienne), Muniz finit par avoir l’idée de nouveaux travaux : après avoir composé de nombreuses œuvres à partir de matières trouvées sur place, il entreprend finalement de réaliser le portrait d’une partie des gens du cru, toujours selon la même technique. L’occasion pour lui d’aller vraiment à leur rencontre, de mêler l’humain à l’artistique et de faire quelque chose de concret pour son pays. Les photographies ainsi réalisées seront en effet vendues aux enchères, et les bénéfices intégralement reversés aux personnes figurant sur les clichés.

Le documentaire de Lucy Walker possède plus d’un défaut, plus d’une limite, qui le rend légèrement discutable. Par exemple, il y a de quoi tiquer en constatant que les sujets choisis par Vik Muniz (en tout cas ceux du film) ne sont que des gens beaux, exemplaires, d’une dignité folle. Jamais de petites grosses édentées ou de personnes plus communes. On ne va pas blâmer la réalisatrice d’avoir fait des choix ; simplement, l’impression d’assister à une sorte de best of est assez désagréable. Une preuve d’honnêteté aurait été de montrer l’étape du casting, car casting il y a eu. Mais Walker tente de nous faire gober que toute ces rencontre sont bel et bien naturelles, quasiment improvisées, sans critères de sélection. De fait, on a bien du mal à avaler le positivisme de la deuxième partie du film, qui explique grosso modo que lescatadores du film ont tous été transformés par le passage de Muniz, balayant leurs problèmes du revers de la main et nageant désormais dans le bonheur. L’absence de nuance à de quoi rendre l’ensemble moins crédible.

Il y a pourtant de très beaux moments dans Waste Land, notamment lorsque Walker choisit enfin d’oublier sa quête sociale et se contente de montrer Muniz et son équipe à l’oeuvre, composant d’immenses fresques dans des entrepôts en ne négligeant aucun détail. Le résultat est assez impressionnant, même si le travail de l’artiste semble devoir rapidement tourner en rond. Quant au sentimentalisme général, il lui arrive parfois d’être assez digeste, notamment quand la caméra s’efface et laisse transparaître sans commentaire l’émotion de ces gens qui n’auraient jamais imaginé devenir des oeuvres d’art. Qu’on les voie assister à la conception de leur propre portrait ou pleurer de joie après une vente aux enchères lucrative (dans tous les sens du terme), la beauté de l’entreprise finit par nous assaillir. Mais de façon hélas trop épisodique pour rendre mémorable ce gentil petit documentaire.

Note : 5/10