Il est assez aisé de décrire brièvement « Testament à l’anglaise » puisque tout est dit sur la quatrième de couverture. Effectivement on peut y lire : « Un véritable tour de force littéraire, à la fois roman policier et cinglante satire politique de l’establishment. » Que dire de plus ? Environ un millier de choses mais l’essentiel est quand même là.
Depuis deux ans, peu à peu, Jonathan Coe s’est imposé comme mon écrivain fétiche alors même que je n’avais pas lu son chef d’œuvre. Comment résumer la complexité scénaristique de « Testament à l’anglaise » en quelques lignes ? Disons qu’il s’agit de l’histoire de Michael Owen un écrivain peu connu mais qui a eu en son temps un certain succès d’estime, un personnage complexe très travaillé et typique des héros de Jonathan Coe à la fois dans ses forces et dans ses faiblesses. Suite à un concours de circonstance dont il mettra bien du temps à saisir le sens, Michael se retrouve à écrire la biographie de la famille Winshaw, illustre famille richissime dont chaque membre a réussi à creuser sa place dans les sphères du pouvoir, un projet colossal pour Michael, le projet d’une vie.
Ainsi « Testament à l’anglaise » alterne les passages sur la vie de Michael et sur les Winshaw. A la fois roman littéraire qui explore la psychologie de ses personnages, roman policier qui par plein d’indices disséminés tente de donner au lecteur les clef d’un drame familial, et enfin vive critique du système politique anglais, des profiteurs, et de ceux dont les décisions prises à la légère impact significativement la vie des autres, le bouquin tisse sa toile dans une alchimie parfaite et une fluidité hors pair.
Ce qui impressionne le plus chez Jonathan Coe, c’est cette maîtrise parfaite de la trame scénaristique. On sait que le moindre élément (les yeux bleus velours de Michael), le moindre personnage rencontré (Phoebe), le moindre petit détail (une photo perdue) aura une répercussion à un moment ou à un autre du récit. Si la galerie savoureuse de personnage suffirait à elle seule à tenir en haleine le lecteur, ce petit côté « révélations et rebondissements » n’en finit plus d’amuser et de provoquer l’excitation. Rajoutez à ça, un sens du symbolisme bienvenu (le jeu sur les rêves, les références au film fétiche de Michael) et vous obtenez un pavé de presque 700 pages qui réalise un pont entre les grands américains (Paul Auster, John Irving), les auteurs russes, et l’esprit typiquement anglais (David Lodge).
Note : 9/10