LA PROIE de Eric Valette
Sortie le 13 avril 2011 - durée : 01h42min
Ci-gît le cinéma français, assassiné une fois de plus par de soi-disants garants de l’exigence hexagonale et du respect des grands cinéastes d’antan. Tandis que notre cinéma de genre lutte avec passion pour se faire entendre de la critique et du public, La proie, consternante copie de quelques specimens made in America, vient lui remettre la tête dans l’eau. Pas modeste pour deux sous, sans aucun recul, le film lorgne à la fois vers le film de serial-killer, le film de prison et le film de fugitif tout en prétendant convoquer le Corneau de la grande époque à l’aide d’une épaisse purée de poids polardeuse. Cette accumulation de couches aussi mal maîtrisées les unes que les autres est à l’origine d’un film gerbant, d’une bêtise abyssale, qui emploie aussi régulièrement des artifices d’un autre âge pour tenter de faire entrer quelques gogos dans son jeu.
La petite fille mutique depuis un traumatisme finira par dire ‘papa’ en toute fin de film. Le gendre idéal à lunettes, bientôt innocenté du crime sexuel dont il était accusé, dissimule en fait un vrai beau psychopathe. Le taulard digne et innocent, qui fuit pour sauver sa famille, peut chuter de trente mètres de haut ou plus sans se briser le moindre os, et ce à plusieurs reprises. N’en jetez plus : des clichés et des invraisemblances, il n’y a que ça dans cette Proie écrite n’importe comment par un duo de novices dont on découvre avec effarement… qu’ils sont avant tout producteurs, y compris pour ce film-ci. Le film pourrait être une bonne publicité à destination de ceux qui pensent qu’en art comme ailleurs il est possible de jouer les cumulards sans se poser de question : or, avoir la mainmise sur un script et sur tout le reste du film à la fois aboutir souvent des accidents industriels de ce type. On plaindrait presque Éric Valette, yes man jamais brillant mais qui parvenait habituellement à conserver une forme de dignité : ici, il semble prisonnier des aléas du scénario, contraint d’aligner les effets inutiles pour tenter de se donner une contenance (ah, cette caméra qui passe à travers une portière de camionnette juste pour montrer que la technique est maîtrisée). Valette n’est clairement pas aux commandes du film : il en est le simple convoyeur, celui qui s’assure sans passion que le produit manufacturé est bien arrivé en bout de chaîne.
On pourrait s’amuser devant cette gigantesque bouillie si elle n’était pas plombée par deux fardeaux étroitement liés : un premier degré écrasant, et la présence d’Albert Dupontel. Intéressant jusqu’au début des années 2000, l’acteur a laissé depuis son talent au vestiaire, trop occupé à jouer les justiciers dans ses propres films comme dans les médias. De Jean Becker à Danièle Thompson, il s’est abîmé à plus d’une reprise en laissant toute auto-cririque de côté pour mieux devenir l’interprète figé, plat, ennuyeux qu’il est aujourd’hui. Ici encore, sa prestation sans panache sonne le glas d’un film qui aurait eu bien besoin d’un comédien moins sûr de ses effets, capable d’apporter de la nuance ou de l’humanité. Campée par Dupontel, la détresse du héros de La proie pourrait faire hurler de rire mais elle donne surtout envie de s’arracher les yeux. La catastrophe est générale, puisqu’outre un Stéphane Debac multipliant les exploits (rappelons-nous avec délice la fin du Phénomènes de Shyamalan), des acteurs aussi solides que Natacha Régnier ou Sergi López sombrent eux aussi dans un ridicule même pas assumé. Décidément, rien à sauver dans ce navet de première catégorie, horripilant roman de gare qui voudrait avoir l’air d’un chef d’œuvre.
Note : 1/10