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Le diptyque Mesrine était attendu comme le sauveur d’un cinéma français en pleine déperdition, et si « L’instinct de mort » est loin d’être parfait, on peut d’ores et déjà que cette première partie tend à confirmer que le pari est réussi.

Dans un climat bercé de films français mal écrits, à l’humour douteux, et réalisés comme des téléfilms, les trois hommes qui se cachent derrière Mesrine prennent chacun à leur manière le contre-pied de ce qui se fait dans l’hexagone.

En premier lieu, il y a Jean-Francois Richet, 42 ans, ancien monteur et réalisateur étrange qui n’a jamais rien fait de mémorable mais dont chaque film laissait sous entendre un vrai talent de metteur en scène (« Ma 6-T va crack-er »). En 2005, il réalise aux Etats-Unis « Assaut sur le central 13 », remake sans grand intérêt du Carpenter, ce qui lui permet de se former au film d’action à l’américaine. Aujourd’hui, ses expériences passées font de lui un réalisateur sûr de sa technique mais sans cesse curieux de tester de nouvelles choses. Ainsi, et c’est sa grande force, Mesrine est particulièrement bien réalisé et à milles lieux de ce qu’on fait en France habituellement. Les mouvements sont fouillés et réfléchis, les splits écran sont utilisés avec classe et finesse – ce qui est tout de même assez rare – et permettent à Richet de réaliser une superbe scène d’introduction en jouant sur le léger décalage temporel de chaque cadre, les scène d’actions sont ingénieuses sans en faire trop, et surtout le film est ponctué de magnifiques plans comme ce brillant moment avec les jeux de miroirs. Néanmoins le défaut que l’on peut reprocher à Richet est de tester des nouvelles choses à même le film. Par exemple, les scènes de prison avec leur photographie très sombre et ses plans oppressants et hypnotiques sont complètement antagonistes « techniquement parlant » de la légèreté des scènes tournées dans le vieux Paris. C’est comme si Richet voulait sans cesse démontrer son côté touche à tout au point de perdre en cohérence, comme si plusieurs réalisateurs s’étaient succédés, comme si à chaque scène Richet se disait « Tiens là, je vais essayer de faire ça ».

Après il y a Abdel Raouf Dafri, le scénariste qui monte avec la série « La Commune » et bientôt avec le nouveau Audiard. Dafri, c’est le mélange des couilles et de la littérature, un vrai scénariste comme on oublie trop souvent d’en former en France, un mec qui sait écrire un story board et choisir ses scènes, un mec qui maîtrise parfaitement les schémas de narration et permet à « L’instinct de mort » d’en dire plus en 1h45 que beaucoup en 2h30 sans jamais donner l’impression d’éluder certains passages où d’en bâcler d’autres. Son scénario réussit en un laps de temps assez court à restituer tout un pan de vie sans tomber dans le cliché de « la scène clef ».

Enfin il y a Vincent Cassel, qui sans aucune surprise est juste parfait ; violent et rieur, il incarne Mesrine sans pour autant renier sa personnalité et son propre parcours. Dans la presse, on lit un peu partout que Cassel s’est complètement fondu dans Mesrine, qu’il s’est approprié le personnage comme peu sont capables de le faire, et bien, je ne suis vraiment pas d’accord. Si Cassel joue si bien Mesrine, c’est que Mesrine est la synthèse de tous les personnages joués par Cassel, et ce n’est pas Cassel qui est devenu Mesrine, mais bien Mesrine qui est devenu Cassel, un personnage aussi flippant que charmant, un mec avec qui on irait bien boire des coups mais en gardant toujours à l’esprit qu’il ne faut pas le faire chier.

Voilà fondé sur ces trois personnalités, Mesrine donne un joli regain au cinéma français. Certes, il n’est pas exempt de défauts, mais laisse augurer d’un bel avenir.

Dommage alors qu’il y ait ces quelques bévues. Au niveau casting, si Depardieu est parfait, on ne peut vraiment pas en dire autant des seconds seconds rôles, comme ces ridicules gardes forestiers à la fin et leurs « Les évadés ! » plein de stupéfaction théâtrale. De plus, vu l’ampleur du projet, des moyens financiers supplémentaires auraient été les bienvenus afin d’aller plus loin dans la reconstitution historique et conférer au film des décors à la hauteur de ses ambitions. Par exemple, la prison canadienne avec ses 6 gardes qui se battent en duel fait vraiment « cheap ». Enfin, je trouve que le scénar essaye trop de jouer sur l’ambivalence de Mesrine. Dans une scène, Jacques Mesrine s’offusque qu’ont lui ait tiré dessus alors qu’il était avec sa fille chérie, puis cinq minutes plus tard il glisse son calibre dans la bouche de sa femme devant son fils… alors oui l’intention de complexifier le personnage est louable mais le scénario en fait parfois un peu trop, notamment quand Cassel s’énerve dans le bureau de l’avocate de Jeanne. Pas la peine de vouloir autant nous rappeler Scorcese et De Palma, d’autant plus que la nature même de ce genre d’histoire tend déjà vers un certain classicisme, qui peut parfois faire passer Mesrine pour un simple film « ascension / descente aux enfers » de plus.

Pour conclure, si « L’instinct de mort » n’est pas le chef d’œuvre attendu, la faute à un projet très ambitieux et peu adapté au système productif français, il n’en est pas moins la preuve qu’on sait faire autre chose que de la comédie grasse et bien pensante, et suscite une vive impatience avant la sortie de « L’ennemi public N°1 » qui devrait avoir gommé un peu des défauts de cette première partie et se révéler comme la claque de la fin d’année.

Note : 7/10