MR. NICE de Bernard Rose
Sortie le 13 avril 2011 - durée : 02h01min
Anna Karenine. Candyman. Ludwig van B. Paperhouse.Chicago Joe et la showgirl. On pourrait taxer Bernard Rose de touche-à-tout mais on préfèrera le qualifier de tâcheron, tant ses plutôt chouettes incursions fantastiques semblent se noyer au milieu de projets aussi variés que foireux, et ce sans compter les tristes inédits semés çà et là au cours d’une carrière plus qu’en dents de scie. Autant dire que la tiédeur de ce Mr. Nice n’a à peu près rien d’étonnant, monsieur Rose s’étant régulièrement distingué par sa propension à rendre ternes les univers les plus alléchants qui soient. Le film se présente sous la forme d’un biopic à la coule, comme un très proche cousin du Blow de feu Ted Demme. Et c’est ce qu’il est en effet : Mr. Nice montre comment un gentil étudiant qui n’a rien demandé à personne va devenir peu à peu l’un des barons de la drogue les plus respectés d’Europe, le tout en s’appuyant sur des méthodes non-violentes.
Le film de Bernard Rose est un cas d’école, l’exemple parfait du film qui n’a rien, aucun message à délivrer, mais qui cherche obstinément quelque chose à dire. Alors, s’appuyant sur le véritable surnom du héros du film (sobriquet qui vient au départ de la ville de Nice, pour la croustillante anecdote), il s’emploie à faire de ce gigantesque dealer un type sympa. Une sorte d’anti-Scarface, en somme, aimable jusque dans ses petites médiocrités et autres contradictions. Un type qui néglige ses femmes successives et montre son amour avec du pognon et de la semence, mais avant tout un homme, un vrai, sympatoche et pacifique. Rose ne cesse de forcer le trait, de mettre son personnage sur un piédestal, mais ses vains efforts ne débouchent sur rien de bons. Au mieux, on peut avoir l’impression d’assister à l’hagiographie absolue du Saint Patron des trafiquants de drogue. Au pire, on peut trouver le film dangereux par sa façon de relativiser certains agissements bêtement immoraux, voire carrément illégaux, et de tout mettre sur le compte de la décontraction permanente du protagoniste en question. Ou quand le « laissez-le faire, ce n’est qu’un enfant » se mue en « laissez-le faire, ce n’est qu’un dealer ». Sans être une grenouille de bénitier ou un garant de la morale, il est permis de trouver que les agissements d’Howard Marks auraient dû être présentés avec un minimum d’esprit critique. Or, rien.
Cette impression désagréable est due à une mise en scène qui aurait dû chercher davantage de neutralité au lieu d’appuyer par des effets archaïques la coolitude de son héros. Passage impromptu du noir et blanc à la couleur, emploi de fonds verts, mouvements de caméra improbables : tout concourt à faire du film un concentré de positivisme inconscient, une déclaration d’amour éperdue au psychédélisme des années 60-70, un trip dans lequel il faudrait se lancer après avoir laissé ses principes au vestiaire. La présence d’un Rhys Ifans hâbleur et rigolard ne fait que confirmer ce sentiment. Résultat : il devient difficile de s’intéresser au personnage ou de se prendre de passion pour son histoire. En dépit de personnages secondaires mieux traités (l’épouse très patiente incarnée par la somptueuse Chloe Sevigny, ou encore le membre de l’IRA joué par David Thewlis), le film de Bernard Rose ne fait que confirmer ce que l’on pensait d’un metteur en scène dont les subterfuges filmiques ne sont là que pour masquer le manque total d’âme. L’ennui mortel qui règne pendant le film en dit long.
Note : 4/10