Le dernier Olivier Adam « A l’abri de rien » venant tout juste de sortir en poche, c’était l’occasion pour moi de trimbaler pendant quelques jours ces 250 pages et de les lire sur des quais de métro hostiles, éclairé par une lumière artificielle entre deux pubs pour Carrefour et La Halle aux Chaussures, bref dans une atmosphère tout à fait dans le ton des romans du jeune écrivain qui monte.
« A l’abri de rien » raconte l’histoire de Marie, mariée, deux enfants, pas de travail qui mène une existence de femme au foyer dans une ville bretonne, luttant au quotidien contre la misère financière et contre la misère psychologique, et qui un jour va tout plaquer pour s’occuper de sans papiers, non pas par vocation mais comme seule issue à la monotonie qui l’absorbe. Mais avant d’être l’histoire d’une femme, « A l’abri de rien » est aussi une histoire du XXIème siècle, ce siècle qui porte la ville, couverte de pluie et de réclames où les démunis viennent s’échouer et où les plus démunis viennent mourir, une ville française normale avec ses médisances, ses haines ordinaires et ses dépressifs.
Dans ce contexte, Olivier Adam aurait pu se fourvoyer et nous livrer un roman « gauchiste » et moralisateur. Heureusement il évite les écueils pour donner dans le drame social apolitique, se focalise aussi souvent que possible sur Marie, mais sans jamais rabaisser ses dénonciations à une simple toile de fond.
Dans un certains sens, « A l’abri de rien » est un peu à préquel à « Falaises » (publié par Adam en 2005), un préquel qui raconterait en détail les événements qui ont conduit au suicide de la mère. Car tout comme la mère du héros de « Falaises », Marie est du genre à se coller le fer à repasser sur le visage pour se sentir vivante, du genre à devenir insensible à l’amour de ses enfants, de son mari, du genre à laisser la vie s’échapper d’elle sans faire le moindre effort pour la retenir. De ce fait, lorsqu’à la fin, elle rentre en hôpital psychiatrique, on sait pertinent d’où elle ira se jeter quand elle en sortira quelques années plus tard.
Si ce nouveau roman n’atteint pas, d’un point de vue purement littéraire, la beauté froide de « Falaises », Olivier Adam continue néanmoins de développer sa propre mythologie emplie de tristesse et de mort, une mythologie issue des fondements de sa vie qu’il se doit de propager. « A l’abri de rien » vaut aussi bien pour son contexte social que psychologique, il n’apporte pas de réponse, baisse les bras face à la dureté de la vie, et révèle un malaise qui peut vite se révéler contagieux.
Note : 7,5/10