[ATTENTION SPOILERS]. Si le Batman de Christopher Nolan est une trilogie, « The Dark Night » en est définitivement « L’empire contre-attaque », un opus sombre et tragique, à l’écriture subtile et aux niveaux de lecture complexes. La réalisation est parfaite mais on attendait pas autre chose de Nolan, le casting est époustouflant mais on le savait déjà à la lecture des noms de Aaron Eckart, Eric Roberts et même William Fichtner de Prison Break (je ne parle bien sûr même pas de Bale, Freeman et Oldman). Non vraiment la claque cinématographique vient indubitablement de ce scénar malin qui fourmille de thèmes forts et typiquement batmaniens. La question du choix, la négation du manichéisme… tous les personnages sont amenés à un moment ou à un autre à voir leurs convictions personnelles, celles qui régissent leur vie, être remises en question par l’injustice et/ou la bêtise humaine ; un vrai drame shakespearien où seul le Joker qui a su se débarrasser de toute convention sociale sortira indemne. Comment se positionner par rapport à ça : vivre ou mourir, rester infaillible ou se renier pour évoluer. Batman, Dent et Gordon incarnent trois emblèmes intemporels de la justice : le héros masqué, le procureur incorruptible et le commissaire issu de la rue ; et tous trois doivent se dépatouiller avec un concept qui, bien que déjà très exploité au cinéma, reste l’un des thèmes philosophiques les plus intéressants : la Loi. La loi, ses tenants, ses limites, ses extrêmes, son instabilité…
Et puis il y a surtout cette volonté de Nolan de ne pas faire un film de super héros, de continuer d’encrer la mythologie « Batman » dans un film noir plus proche de « La nuit nous appartient » que de « Spiderman ». Clairement « The Dark Knight » a la carrure d’un « Parrain ». Il a une volonté de chef d’œuvre universel qu’aucun réalisateur de film de super héros n’avait réussi à atteindre, même pas Burton. Enfin pas la peine de déblatérer, c’est un grand film, allez le voir, point barre. De toute façon, tout le monde en a déjà dit tellement de bien que je ne sais même plus pourquoi j’écris. Non à partir de maintenant je vais plutôt consacrer cette chronique à dire pourquoi il n’a que 9/10 et pas 10/10, car oui c’est une note que Nolan aurait pu mériter.
Le premier défaut de ce Batman est aussi sa plus grande qualité : son réalisme. A force de taper trop dans le film noir classique, Nolan flirte avec la banalité, banalité de haut niveau certes mais qui rappelle quand même certaines scènes de n’importe quel autre film du genre (confère le braquage du début). Ensuite, en voulant justifier tous les pouvoirs de Bruce Wayne, Nolan nous sort successivement une scène à la James Bond en mode « Q te présente sa dernière montre qui lit dans les pensées » et une scène à la Mission Impossible en mode « Batman infiltration prépare son treuil avant de descendre en rappel ». Tout ça nous sort de la féerie burtonniene et peut énerver ceux qui préfèrent le fantastique. Après, mais je chipotte à fond, j’aurais aimé plus de sang. C’est vrai ça, je sais que Nolan n’est pas Cronenberg mais bon on aurait voulu voir le Joker découper des lèvres et faire preuve de plus de sadisme car là, même si Ledger joue à merveille, le Joker ne fait pas flipper à proprement parlé et n’est jamais dans la violence imprévue, dans le vrai pétage de plomb ; il ne tue pas suffisamment pour le plaisir. Enfin, et c’est un peu ma private joke du moment, je ne comprends pas pourquoi Batman est obligé à la fin d’endosser les crimes de Dent. Ne me dites pas que l’ami Gordon ne peut pas se démerder pour masquer les meurtres par Dent de deux flics véreux, d’un type de la pègre et de son foutu chauffeur. Franchement je veux bien que Batman, pour les besoins scénaristiques et la nécessité d’introduire le somptueux dialogue de fin de Gary Oldman, ait besoin de jouer le martyre mais de là à se sacrifier pour que personne ne pense que le meurtre du chauffeur de la pègre soit resté impuni, faut pas pousser, lol. Ils avaient qu’à tout mettre sur le dos de… je sais pas… de l’épouvantail. C’est quand même pas dur de masquer des crimes, on fait ça tout le temps dans la réalité. Et puis Dent, il aurait bien pu mourir sur son lit d’hôpital pendant l’évacuation de celui-ci. Mais non Batman a insisté… « Allez Gordon met moi tout sur le dos, j’en veux vraiment de la haine du peuple, ça se passe comme ça dans mon comics originel !!! »
Enfin bon, on pourra toujours se moquer, « The Dark Night » il reste un chef d’œuvre absolu, une claque de cinéma, une leçon pour tous les scénaristes de polars, de film de mafia, une nouvelle référence pour tous les réalisateurs contemporains, la preuve qu’exigence et réussite commerciale sont plus que jamais d’actualité.
Note : 9/10