Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

Il y a toujours eu deux entités Beastie Boys, sans que l’on sache laquelle était l’alter ego de l’autre. D’un côté trois MC/musiciens capables de donner ses lettres de noblesse au fun, de faire rire sans jamais transformer leurs albums en vulgaires blagues potaches, de l’autre un groupe discrètement engagé qui jonglera entre les positionnements avec un goût de « gardons notre sérieux pour les causes qui le réclament ». Or, s’il n’a jamais été facile de faire une musique noble, exigeante et crédible tout en ne se prenant jamais au sérieux, les trois new-yorkais ont su faire de cette dichotomie une force. De même leurs actions politiques n’ont jamais eu le gout amer des bonodieuseries (à ne pas confondre avec les bondieuseries – quoique…) et ont toujours illustré, de manière très cohérente, l’humanité du groupe.

25 ans plus tard, cette ambivalence se retrouve toujours dans « Hot Sauce Committee Part Two ». Sur la face A, il y a ces hommes qui doivent affronter les questions graves de la vie (le cancer de MCA et globalement ce satané temps qui passe) et esquivent les pièges avec humilité, sachant fermer les livres qui doivent être fermés pour mieux réapparaitre et prendre de nouveaux départs. Sur la face B, il y a le groupe qui connait les écueils et qui ne lâche pas le morceau. A l’horizon, deux chemins que le quidam se serait empressé d’emprunter : à gauche, la première voie luxueuse qui aurait mené tout droit vers un album mature et élitiste, significatif du passage dans la seconde moitié de la vie et où il aurait été aisé de s’imposer comme les parrains d’un hip hop différent mais toujours exigeant ; à droite la voie plus poussiéreuse mais toujours si réconfortante du retour aux sources, une voie entachée du spectre de ne plus être à la hauteur de sa jeunesse mais qui présente l’avantage de simplifier les formules et de marquer le retour au fer rouge.

Devant les choix qui s’offrent à eux, les Beastie Boys n’hésitent pas longtemps, ils grimpent dans leur 4×4 tout-terrain et roule sur le terre-plein central sans se poser de question. Il n’y pas d’orientations sur « Hot Sauce Committee Part Two », juste une très grosse envie d’en découdre ! L’avantage c’est que le trio évite brillamment les rochers : à aucun moment, il ne se renie ou pire s’auto-parodie (ce que je craignais le plus). Cependant on a aussi très vite l’impression qu’il ne sait pas où il va et si on est d’abord ravi de le voir autant facétieux, naturel et enthousiaste, on se demande rapidement quel est le sens de tout ça.

Après un jubilatoire – et parfaitement teasé – « Make Some Noise » où l’on s’imagine l’espace d’une chanson que les Beastie Boys vont entériner l’année hip hop, ce huitième album se transforme rapidement en un fourre-tout généreux et aguicheur mais qui tourne bien vite en rond. Sans même s’auto-sampler, le groupe joue trop vite la carte de ses envies primaires et s’amuse à réitérer tous les sales coups pendables qu’il a commis durant sa carrière : on débute avec les incursions électroniques à la « Hello Nasty » sur « Ok » pour un résultat plus proche d’un Gorillaz tiédasse, on continue avec un morceau valoche qui devient vite trop lourd à porter (« Say It »), on poursuit avec une nouvelle occupation des guitares punky sur « Lee Majors Come Again » et on termine avec un instrumental à peine à la hauteur de ceux de « The Mix-Up » ! Entre les deux ? Et bien le groupe reproduit les mêmes erreurs que par le passé en callant un anecdotique et incohérent morceau aux influences reggae avec Santigold au chant (« Don’t Play No Game That I Can’t Win » qui joue alors, à la manière du « Dr. Lee, PhD » de 1998, les trouble-fêtes).

Un peu comme Cypress Hill, les Beastie Boys reste ce groupe attachant qui sait avancer sans se prendre les pieds dans la toile de son propre mythe, mais malheureusement il faudra plus que l’humour de « Too Many Rappers [new reactionaries version] » pour compenser les égarements et autres virées folles dont on ne revient jamais très frais. Au final, on se dit qu’il faut parfois choisir bêtement les chemins qui s’offrent nous.

Note : 5,5/10