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OHGR – Undeveloped

Par Benjamin Fogel, le 16-08-2011
Musique

Si « Welt », le premier album de ohGr, sort officiellement en 2001, c’est en  1995, six ans auparavant, qu’il a été composé et ce à une époque charnière de la vie de Nivek Ogre. Effectivement c’est en 1995 que décède Dwayne Goettel, son ami et confrère au sein de Skinny Puppy et l’on sent à ce moment là que la conception du groupe unique implose en lui. La mise en chantier de ohGr se veut alors une réaction à la mort et la preuve qu’on ne peut compter que sur soi même, que tous les êtres en qui on a confiance peuvent disparaitre du jour au lendemain. C’est aussi l’échappatoire nécessaire, un autre monde qui permet de prendre du recul sur la manière dont Skinny Puppy pourra malgré tout continuer de prendre de l’avant.

Ce projet quasi solo (même s’il ne faut pas négliger la touche de Mark Walk) va alors devenir un être étrange, un reflet de l’âme de Nivek Ogre, une machinerie beaucoup plus instable que celle de son groupe originel. Alors que « Welt » et « SunnyPsyOp » laissent d’abord imaginer que ohGr serait le versant pop et léger de la noirceur industrielle, « Devils in my Details » cinq ans plus tard, brouille les pistes et se révèle comme un album labyrinthique où même l’auteur a dû finir par se perdre. Les signaux sont multiples et les synapses finissent par ne plus déboucher sur aucun potentiel d’action, et on se laisse à alors à l’époque absorber corps et âme par l’album.

« Undeveloped » se présente comme une nouvelle étape, comme un nouvel alterego de Skinny Puppy. On y retrouve d’une part les envies fédératrices des débuts et d’autres parts la torture psychologique dont ne souhaite jamais s’éloigner bien longtemps ce Trent Reznor version Jocker. Malheureusement, l’issue de la réaction chimique entre les gimmicks de l’indus et les velléités des refrains catchy est bien connue : que l’on tombe dans la bonne ou dans la mauvaise période, on en finit toujours par y retrouver un peu de Marylin Manson (assez criant sur un titre comme « Crash »).

Grâce à la rigueur technique de ohGr et à ses intonations pernicieuses, le vice s’empare de nous bien avant que l’écœurante idée de chanter à tue-tête nous traverse l’esprit (« screwMe » et « comeDown »), mais on se sent néanmoins troublé comme s’il y avait quelque-chose de fallacieux au milieu de cette obscurité oppressante. Alors que les intentions étaient intelligibles sur les deux premiers opus, on finit par se sentir mal à l’aise face ce double discours.

Pourtant ce n’est pas sans bonheur que l’on agrippe cette main que nous tend  Nivek Ogre sur « Pissage » tant sa manière de retranscrire le chaos du monde des machines est personnelle et engagée. On apprécie surtout toujours autant la manière dont au détour d’un riff un peu facile ou d’une émotion un peu trop inspirée par les claviers de Fear Factory, ohGr arrive à pousser le temps d’un pont une mélodie qui irradie toute la cruauté du monde. La manière dont les kicks frappent très simplement sur « 101 » avec une rythmique qui ne torture pas les patterns de Fruity Loops  rappelle avec nostalgie « HiLO » et on finit rapidement par n’aimer ce « unDeveloped » que via les souvenirs qu’il génère.

Pour peu que l’on accepte de jouer le jeu de cette musique industrielle décomplexée, ce quatrième album recèle d’assauts frontaux coercitifs, malheureusement c’est lorsqu’on s’aperçoit que les meilleurs titres sont souvent les interludes (« typer ») qu’on réalise combien ohGr n’a nullement besoin d’être rassembleur pour mener les machines à la révolte.

Note : 7/10