Bob Dylan #4 : She’s Your Lover Now
Blonde on Blonde, c’est l’urgence la plus totale. Donc le désordre. Bob Dylan ne répétait jamais, il était adepte de la spontanéité des premières prises. Al Kooper, guitariste, ne savait pas jouer de l’orgue, et c’est pourtant lui, un quart de temps trop tard sur chaque accord de “Like a Rolling Stone”, qui écrase les accords sur l’orgue du studio. Dylan ne laissait jamais ses musiciens travailler. les honorables membres du Band se retrouvaient désemparés, avec une grille d’accord comme repère. Pas plus. Dylan voulait conserver le hasard comme paramètre principal. Tout était dans l’instant. C’est parce que les contre-chants de piano sont d’une immédiateté frappante que “One of Us Must Know” a ce souffle particulier. Et le génie de Blonde on Blonde est, plus que dans les textes frôlant la perfection et les chansons frisant l’éternité, dans cette spontanéité. Blonde on Blonde c’était janvier 1966. Écouter ce disque, c’est écouter janvier 66.
Mais dans cette histoire, forcément, il y eut des erreurs. Rappelons l’état de Dylan, carburant aux amphétamines et autres drogues, sans arrêt. A force de vouloir saisir l’instant, Dylan a laissé passer une de ses plus grandes chansons, reléguée au rang de bootleg comme le fut “I’m not there”, même pas sur les Basement Tapes. Simplement parce que The Band s’est planté, juste avant le dernier couplet, “She’s Your Lover Now” restera une inconnue. Jamais terminée, juste avec un “what ?” de Bob comme conclusion.
Cette chanson, c’est tout l’art de Dylan résumé. La fougue de “Like a Rolling Stone” pour une chanson d’amour triste, toujours, et l’éternel conclusion. Elle n’est plus mienne, mais prends en soin. Comme les idylles de Dylan, cette chanson ne fut jamais terminée. Seule une version complète existe, où Dylan est seul au piano. L’atmosphère change du tout au tout. Comme toutes les chansons de Blonde on Blonde, c’est là que la magie opère, que les mots deviennent des vérités saisissantes. C’est pour ça que les concerts de 1966 sont les plus belles choses jamais enregistrées : ils incarnent le sommet de sincérité de Dylan, qui, totalement embrumé par la came, se livre nu à la foule. C’est un Dylan sans compromis, loin des grandes provocations habituelles. Le vrai Dylan ?
I already assumed
That we’re in the felony room
But I ain’t a judge, you don’t have to be nice to me
>> Les deux versions de “She’s Your Lover Now” sont en écoutes dans le lecteur grooveshark.
>> Les précédents épisodes des dimanches Bob Dylan ici.
- Bob Dylan #1 : I Have a Dream par Nathan Fournier
- Bob Dylan #2 : Mama You Been On My Mind par Nathan Fournier
- Bob Dylan #3 : Just Like a Woman par Nathan Fournier
- Bob Dylan #4 : She's Your Lover Now par Nathan Fournier
- Bob Dylan #5 : If You See Her, Say Hello par Nathan Fournier
- Bob Dylan #6 : Au Zénith Arena par Nathan Fournier
- Bob Dylan #7 : Bob Dylan et l'humour - "It Takes a Lot to Laugh, It Takes a Train to Cry" par Nathan Fournier