[Attention Spoilers – A ne lire qu’après avoir vu les trois premières saisons] On avait laissé Fringe sur un Cliffhanger bancal qui, pensait-on alors, sonnerait le glas de la série : au bout de à deux épisodes bâclés (cf critique de la saison 2), Olivia Dunham se retrouvait prisonnière de l’autre monde, tandis que son double infiltrait la division Fringe sans que Peter et Walter ne se doutent de quoi que ce soit. On s’imaginait alors retomber dans une saison 3 poussive qui enchainerait paresseusement les stand-alones tout en conservant en toile de fond les passages obligés liés à l’intrusion d’un espion. Et surtout on pensait que l’histoire ne se déroulerait que dans notre monde et que la vraie Olivia ne réapparait qu’au moment voulu – probablement à la fin de la saison – via un tour de passe-passe plus ou moins habile. On (je) s’était fichtrement trompé !
Grâce aux scénaristes d’avoir enfin eu le courage d’assumer leurs idées et de ne pas faire machine arrière. Alors que la saison 2 s’efforçait dans ses premiers épisodes à retrouver un status-quo, à minimiser l’impact des dernières minutes de la saison 1, la saison 3, elle, ne lâche rien et fait tout pour crédibiliser les pistes lancées. On alterne alors rigoureusement les épisodes entre les deux mondes, et les doubles qui paraissaient d’abord si ridicules, si maniérés, prennent peu à peu corps et deviennent des alternatives évidentes de ce que Broyles ou Walter auraient pu être. Mais c’est surtout, le jeu de Anna Torv – dont on n’avait cessé, à raison, de moquer le charisme d’huitre – qui au travers de l’alter-égo d’Olivia fait volte-face et se révèle dotée d’une étonnante subtilité. Les enjeux de la mythologie prennent alors leur envol et pilotent toute la série, chaque épisode étant destiné à préparer consciencieusement la tragédie qui est entrain de se préparer entre les deux mondes.
Cependant, bien que les intrigues se focalisent sur un objectif commun, Fringe conserve ses mécaniques et ses shémas éprouvés, et les découvertes étranges finissent toujours dans le labo de Walter. Et c’est justement dans cette capacité à rester très cohérent tout en emmenant la série vers une histoire bien plus ambitieuse, que Fringe trouve son salut. On se plait alors à constater les récurrences et à s’appuyer sur les mêmes marques : alors que les Twin Towers étaient la clef pour comprendre le final de la saison 1, la Freedom Tower joue ici le rôle de repère temporel ; alors qu’on était désarçonné par les doubles des personnages dans la saison 2, on se retrouve ici confronter à leur version du futur tout aussi déstabilisante.
Des repères, Fringe n’en manque d’ailleurs pas. Au contraire, entre les clins d’œil, les influences inconscientes et les références directes, la série s’inscrit comme une œuvre qui résonne pleinement avec l’univers de J.J. Abrams. Si la majorité d’entre eux cherche à jouer la carte de la pop culture et des hommages (on se délecte lorsque Walter abhorre les lunettes du Dr Jacoby de Twin Peaks), les liens avec Alias (le parchemin prophétique avec le visage d’Olivia) mais surtout avec Lost intriguent tout autrement. Le « My People » de Peter vs le « Your People » de Walternative fait immédiatement référence « Aux autres » de Lost, tandis qu’un personnage comme Sam Weiss n’aurait pas dépareillé sur l’île (il pourrait être un guide, comme Richard ou Desmond, ou bien encore une entité trans-âge comme Jacob). Les notions d’équilibre entre les deux mondes, l’idée qu’il ne faut pas briser la barrière, rappellent aussi le bouchon au centre de l’île, garant de la stabilité. Il ne s’agit bien sûr pas de prétendre que Fringe puisse combler le vide laissé par Lost, mais le simple fait qu’on y voit des similitudes crédibles prouvent qu’une vraie épopée est ici entrain de se mettre en place.
Cependant, il y a une différence majeure d’approche entre Fringe et ses prédécesseurs : à aucun moment la série ne se prend au sérieux ; et c’est à la fois sa force et sa faiblesse. Chaque occasion est bonne pour rigoler avec la science ou pour permettre à Walter de cabotiner un peu ; les apogées étant lorsqu’Anna Torv se retrouve à jouer William Bell sur un ton quasi comique (qui, il faut bien l’avouer, tombe un peu à plat) ou lorsque Walter cuisine nu à 6h du matin. Ce recul et cette capacité à rire de sa propre mythologie offre à Fringe une liberté de ton où l’on peut changer les génériques en fonction des époques, où l’on peut passer en dessin animé pour contourner le sourire aux lèvres l’absence de Leonard Nimoy. La contrepartie étant évidemment parfois une perte de crédibilité, d’aura et de prestance.
Difficile à ce stade d’anticiper les spoilers de la saison 4, d’autant plus que les dernières secondes et la révélation de la non existence de Peter ouvrent des portes qu’il sera difficile de refermer. Comme pour la saison 5 de Lost, on imagine juste que les questions du voyage dans le temps et des origines (The first people ici) seront au centre des questions et que le fils de Peter et Fauxlivia (étrangement absent du futur) pourrait bien incarner le nouveau danger. Mais peu importe la suite, dans tous les cas Fringe a déjà réussi à trouver sa voie ; comme dirait l’autre « mieux vaut tard que jamais ».
Note : 7,5/10