MINUIT À PARIS de Woody Allen
Sortie le 11 mai 2011 - durée : 1H34min
Dans les hauts lieux touristiques de la capitale française, on trouve sensiblement les mêmes présentoirs de cartes postales. D’un côté, des visuels datés nous rappellent à quoi ressemblait le Paris d’antan, celui de la Belle Époque et des Trente Glorieuses. De l’autre, des images plus récentes agissent comme des instantanés permettant aux touristes de pouvoir décrire le Paris qu’ils ont visité en quelques images. Au milieu se promènent quelques cartes humoristiques à la limite du potache, histoire de rappeler que les Français aussi savent faire les rigolos. Avec Minuit à Paris, Woody Allen semble avoir directement adapté l’un de ces présentoirs, mettant exceptionnellement l’image au même niveau que le verbe, et faisant de Paris un simple théâtre de rêveries et de flâneries. Un pur fantasme de touriste étranger en somme. Mais, qu’il transcende Venise dans la merveilleTout le monde dit I love you ou qu’il encanaille les personnages de Vicky Cristina Barcelona au contact de Barcelone, le new-yorkais a-t-il seulement déjà traité une ville autrement que sous ce jour tendre, schématique et passéiste ? Jamais, sans doute. Pour entrer dans son dernier film, il convient donc d’accepter que Paris soit réduit à ses quartiers les plus bourgeois et à ses artistes les plus célébrés. C’est la vie, comme disent les non francophones avec un accent souvent savoureux.
On ne sait tout de même pas trop sur quel pied danser avec ce Woody assez mineur (c’est devenu un pléonasme), truffé de moments sympathiques mais qui ne décoiffe ni par l’esprit de ses saillies humoristiques ni par la beauté de ses plongées surannées dans un Paris n’existant plus. À la logorrhée baveuse de la première partie succède une série de visites dans les lieux incontournables de la nuit parisienne des deux siècles précédents, rongée par un name dropping franchement excessif. Dans cette seconde moitié, Allen se comporte comme un gamin collant mille autocollants sur la porte de sa chambre pour se revendiquer de mille chapelles… ce qui crée un effet d’accumulation finissant par être indigeste. Quand le héros rencontre Zelda et Scott Fitzgerald, puis Ernest Hemingway, très bien, d’autant que les échanges qui se produisent entre ce laborieux écrivain et ses idoles de toujours sont assez délicieux. Mais arrivent bientôt Picasso, Man Ray, Bunuel, Gauguin, Degas et d’autres, simples silhouettes n’apportant rien d’autre qu’un surplus d’insolite franchement dispensable. Les comédiens ont beau s’en donner à coeur joie dans la peau de ces grands artistes d’une autre époque (ah, Adrien Brody en Dali), reste l’impression désagréable d’avoir payé pour un Woody Allen et de se retrouver trimbalé au musée Grévin, voire chez Patrick Sébastien. Tout cela pour accoucher d’une énième histoire allenienne autour de la création, du désir, et de l’influence des lieux sur tout cela…
Seulement voilà : bien qu’ayant tout pour agacer (Carla Bruni, Gad Elmaleh, sérieusement ?), Minuit à Parislaisse une impression finale assez charmante. Si la photographie n’est pas révolutionnaire (cela fait bien longtemps que les cadrages n’intéressent plus ce vieux Woody), les choix de lumière de Darius Khondji rendent les plongées dans le passé crédibles et enveloppantes. Le casting des rôles principaux est cette fois parfait, avec notamment un Owen Wilson pile dans le ton et un Michael Sheen impayable en érudit pédant. Difficile de bouder son plaisir, d’autant que le spectateur français a de quoi se régaler rien qu’en jouant au petit jeu du « tiens, comment s’appelle cet acteur français qui apparaît dans un demi-plan grâce aux efforts surhumains de son agent ? ». Le film a même tendance à se bonifier de bobine en bobine, parlant de déni ou regardant son passéisme et celui de ses personnages avec la distance nécessaire. Et malgré des thèmes musicaux stéréotypés et répétitifs, on sort gentiment séduit par cette ritournelle. Le Woody Allen des années 80 ne reviendra plus, c’est un fait. En l’acceptant, il est encore possible de passer de bons moments en sa compagnie, comme un grand-père au souffle court mais aux souvenirs pittoresques.
Note : 6/10