Cave In n’a jamais été un enfant bi-polaire ni même une personnalité lunatique. Les changements de route et la multiplication des facettes n’auront été que des moyens d’exprimer son universalité dans ce qu’elle a de plus noble et de plus vile. Coreux au grand cœur ou romantiques aux poings rageux, les américains auront toujours été capables d’épater et de décevoir et ce souvent au sein d’une même chanson, mais dans leurs hauts comme dans leurs bas, ils auront transpiré d’une saine envie et d’une honnêteté qui préfère assumer ses velléités, ses expériences ratées comme ses excès de colères, plutôt que de se trahir lui-même.
A chaque âge, on aura eu l’impression de se retrouver face à un enfant qu’on voyait pour la première fois, comme si le corps évoluait plus vite que ce que la mémoire ne pouvait endurer. A 8 ans, Cave In se prenait pour Converge et ne jurait que par Botch (« Until Your Heart Stops »), à 10 ans il demandait 4 guitares pour son anniversaire et jouait le heavy rock auquel Radiohead n’avait jamais voulu se confronter (« Jupiter »), à 13 ans il empoignait son skate, convoquait la power-pop et entérinait les Foo Fighters (« Antenna »), à 15 ans il se croyait déjà mature et voulait louer Queens Of The Stone Age sans pour autant oublier ses racines (« Perfect Pitch Black »). Mais à 16 ans, tout était déjà fini, Cave In avait brulé sa jeunesse, ses croyances et ses idoles. Sorti de l’amitié avec Converge, il ne restait plus rien de la première partie de sa vie.
Lorsque le groupe annonça il y a deux ans sa reformation, on se dit que c’était un truc pour se faire plaisir, une séquence nostalgie, une soirée entre potes pour se rappeler les belles années, pour commémorer l’insouciance (l’EP « Planets of old » où Steve Brodsky hurle alors à nouveau) ; ils devaient y cramer des bières en se remémorant l’époque où ils jouaient en concert des titres comme « In the Stream of Commerce » comme s’il s’agissait du plus corrosif des Black Metal. Ils étaient jeunes et cons, ils se fichaient de se détruire la santé, c’était le bon vieux temps.
Mais le bon vieux temps, c’est comme la concupiscence, plus on vieillit plus ça vous tracasse. Et Cave In ne le savait que trop bien : s’il voulait revenir dans l’arène, il faudrait frapper d’un coup sec avec la même sincérité qu’autrefois ! A quoi bon sinon ? S’il s’agissait de jouer un rôle, autant en rester à son quotidien de tous les jours !
« White Silence » ne cherche plus à trancher, à donner des couleurs ou des teintes, ni même à correspondre à un âge. Il crie juste son désarroi et son besoin de prouver qu’il n’y a en réalité jamais été question d’enfance ou de maturation, qu’il a toujours été là tel quel, avec ses joies et ses peines (« Heartbreaks, Earthquakes »). Du coup, il y a ici toute la différence entre un groupe qui fait de son nouvel album un best-of de sa carrière et un groupe qui est naturellement, qui joue sans calcul et qui seulement une fois le travail fini, une fois le poids évacué, réalise qu’il ne pouvait dresser plus juste portrait de lui-même (« Centered »).
On se rappelle alors ses coups de sang (« Serpents »), ses voyages dans les marécages (« Sing My Love ») et ses amours perdus (« Reanimation »), et puis soudain on sourit et on se dit que toutes ces douleurs, tous ces égarements avaient au final un sens, qu’ils concouraient bien à quelque-chose, et on en sourit encore de la vie.
Note : 7,5/10