Voilà quelques temps maintenant que les louanges pleuvent à l’égard du danois Jacob Helverskov Madsen, qu’il conviendra de nommer ici sous son avatar encore moins prononçable : Karsten Pflum. Certains observateurs plus que crédibles osent parfois même le comparer à un certain Aphex Twin. C’est dire si on a à faire à un client. Son album Slaphead Faun de l’an dernier rassemblait de vieux titres inédits qui sonnaient étrangement neufs et ses premiers albums parus sur d’obscurs labels avaient démontré tout son potentiel en matière d’expérimentations, de techniques et d’affinage des textures. Slaphead Faun et le maxi Nemo Loom (sur Ad Noiseam) ont fait plus que monter la mayonnaise. Autant dire que No Noia My Love était annoncé bien avant sa sortie chez Hymen comme le disque qui lui permettrait de passer au niveau supérieur.
Tout commence avec une trilogie implacable et impressionnante. The Hand, Lov Dog et Muntermacher se révèlent comme des réussites absolues de Drum & Bass vrillée, où les idées se comptent comme autant de rafales de drums. N’importe quel producteur ou beatmaker en devenir rendrait ça brouillon, bordélique ou négativement nébuleux. Mais le Karsten est troublant de maîtrise, dans son ingéniosité mélodique et dans sa conception des structures. Il a une manière tout à lui de sublimer des synthés qui semblent vintage en leur donnant une couleur tout à fait moderne. Ceci renforce encore plus l’admirable comparaison avec des travaux parus il y a (trop) longtemps chez Rephlex ou même aux premières heures de Warp. Que dire de plus si ce n’est que ces trois premiers titres sont absolument géniaux, et qu’ils font partie des meilleurs tracks qu’il m’ai été donné d’entendre cette année. Et bordel ?! Que dire de Fro ?! Le temps ne semble pas avoir d’emprise sur le son du danois. Et là où il effectue un vrai tour de force, c’est en insufflant au dubstep quelque chose de frais, de nouveau, à des années lumière de toute conventions établies. En attestent aisément les plus que réussis Dansk Notebook Center, Mimer ou Capstone Switch. Et pour me faire aimer quelques chose qui se réclame d’accent dubstep, même complètement mutant comme ici, dieu sait qu’il faut y aller fort aujourd’hui. Si les ondulations filtrées et l’évolution structurelle de Drum Ppl ont quelques chose de tout à fait bluffant, Imun Card pourrait bien donner envie aux Daft Punk et à leurs médiocres héritiers d’avancer à tout jamais masqués. Le seul regret qu’un éternel aigri comme moi peut bien nourrir, est qu’on ne trouve pas d’autre perle IDM old-school comme WrRaOu.
Il est difficile de critiquer de manière négative No Noia My Love. En cherchant bien, on pourrait dire qu’une telle démonstration peut nuire à l’homogénéité de l’album ? Non, même pas. Karsten Pflum parvient à associer intelligence rythmique et polissage des textures à sa démarche dancefloor. Car oui, outre son aspect vrillé et complètement dingue, No Noia My Love a puisé dans les rythmiques jazz et dans les échos dub pour assurer toute sa puissance. Cet album n’a rien de daté ou de nostalgique. Il ne fait que se nourrir et défoncer 20 ans de musique électronique. Un tour de force, une démonstration qui installe définitivement Karsten Pflum au rang de poids lourd. Il est néanmoins recommandé de se procurer le cd pour ne pas souffrir de la compression supplémentaire du mp3 pour l’apprécier à sa très juste valeur. Incontestablement un des must have de cette année.
Note : 8,5/10