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Il y avait cette femme à la chevelure incandescente qui plongeait dans l’obscurité laissant derrière elle une traînée effervescente qui la transformait en sirène, il y avait ces huit titres accompagnés de huit vidéos réalisées par les fidèles Adam Smith et Marcus Lyall et puis surtout il y avait cette absence de featuring, cette absence de voix parasites qu’on attendait depuis tant ! A tous les niveaux, « Further » s’annonçait comme l’album qui allait concrétiser l’essai du finalement plutôt réussi « We Are The Night ».

En six albums, The Chemical Brothers n’avaient jamais pu se résoudre à travailler seuls sans faire appel à des aides vocales extérieures et la décision au bout de quinze ans de mettre à la poubelle ce schéma directeur, de renier un mode fonctionnement pourtant si éprouvé, ne pouvait, pensait-on alors, que cacher une véritable volonté de se réinventer. Il faut dire que si Tom Rowlands et Ed Simons ont toujours composé d’impitoyables hymnes acid beat et ont prouvé maintes fois leur capacité à développer des structures évolutives qui rendent brillamment hommage au genre, la présence des voix a toujours anéanti leurs efforts de rendre les opus incisifs et exigeants. De Noel Gallagher à Richard Ashcroft en passant par Tim Burgess, Jonathan Donahue ou encore Kele Okereke, The Chemical Brothers sera sorti épuisé de la présence envahissante de ses invités, préférant ainsi toujours être un groupe moyen de british pop qu’un grand groupe de musique électronique. Pourquoi dans le passé le groupe n’a-t-il jamais pu avoir la foi dans ses seules et uniques compétences ? Pourquoi aura-t-il fallu attendre 2010 pour que l’autarcie prédomine enfin ?

Une courte rétrospective permet de réaliser que le meilleur album des Chemical Brothers n’est pas à proprement parler un album mais bien le deuxième disque de « Brotherhood » qui compile l’intégralité des 10 Electronic Battle Weapon, comme par hasard des morceaux qui ne se focalisent que sur les machines. Du coup dans ces conditions, et malgré l’échec du concept des vidéos réalisées par la main invisible, tout laissait espérer que « Further » serait l’album qui retracerait l’histoire de ces chansons dont on a toujours cru qu’elles reflétaient la vraie personnalité des Chemical Brothers. Malheureusement, à la place d’une œuvre construite et insoluble, on se retrouve avec un huit titres inégal qui ne s’offusque même pas d’être complété par deux nouvelles chansons dans sa version Itunes…

Pourtant, le plongeon était un succès, la bassline de « Snow » gonflant les bulles d’air chaud et donnant le souffle nécessaire à un Tom Rowlands qui s’il ne chante pas comme les “stars” a le mérite de proposer des émotions plus bancales et donc plus intimes. Car oui sur « Further », malgré les évidents défauts, il est bien question d’intimité. Au delà d’être particulièrement savoureuse, la montée en puissance sur douze minutes de « Escape Velocity » dévoile surtout un amour et une passion intacte. On ne place pas un tel titre en début d’album sans avoir un message à faire passer. Et pourtant…

Et pourtant, le tout ne sera jamais que l’ombre de la chimère qu’on espérait. « Another World » symbolise la déception et la manière dont celle-ci est amenée : alors qu’une ambiance intrigante se met en place, alors que les nappes laissent rapidement la place à des beats incisifs, le morceau s’effondre sous le poids d’harmonies vocales graisseuses et d’un développement qui manque de retenue. De même alors que « Horse Power » renoue brillamment avec les gimmick acid beat qui ont fait le succès du duo (un peu comme « Do It Again » sur le précédent), les Chemical Brothers, incapables d’identifier où sont les limites et où commence le vulgaire, se retrouvent à incorporer de véritables hennissement de cheval, rendant le tout parodique voir risible.

« Swoon » est l’arme secrète, le single qui scotche à l’enceinte, le genre de titre fédérateur que les anglais réservent toujours pour leur deuxième partie d’album, au même titre que « Life Is Sweet » sur « Exit Planet Dust » et que « Hey Boy Hey Girl » sur « Surrender », mais au final on se sent vite dupé par un certain manque de sincérité.

Entre ses hauts et ses bas, « Further » fait ce qui a toujours finalement constitué le cœur des albums du groupe, à savoir du remplissage qui fait le plus souvent illusion à coup de basses chaloupées (« Dissolve »), d’electro spatiale (« Wonders of the Deep ») et de recours au TB 303, le tout si possible assaisonné de chants insupportables.

Note : 4/10

>> A lire également, la critique de B2B sur Chroniques Electroniques, la critique de Js sur Goodkarma et la critique de Nathan sur Brainfeeders & Mindfuckers