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CLUBROOT – II-Mmx

Par Benjamin Fogel, le 17-06-2010
Musique

Malgré ce système qui contrôle tout, malgré cette logique inhérente à la vie humaine qui pousse vers une forme de reconnaissance et vers une recherche d’un positionnement parmi le peuple, malgré la transformation des contre-cultures en micro-cultures, le dubstep reste un terrain de jeu imperméable aux modes et à l’influence du monde extérieur, une musique qu’on aperçoit qu’au travers de brefs flash forwards et qui nous donne l’impression d’entrevoir un futur où des milices underground discutent dans un langage codé de l’avenir de la liberté, un futur ou le populisme se fait élitiste et inversement.

Plus encore que de par leurs accointances musicales, Clubroot et Burial se retrouvent sous le même étendard du fait de la transposition des codes de leur style musical dans leur façon de concevoir leur statut d’artiste : l’homme s’efface au profit de la cause. La volonté de ne pas se compromettre pourrait être remise en cause par l’ouverture musicale, par ces ponts crées avec d’autres styles, et le masque est une manière de démontrer que ce souhait dévolution n’entre pas dans le cadre d’un plan stratégique vivant à porter la « personne » du producteur aux nues.
Il y a aussi une volonté de ne plus s’éparpiller, de refuser l’exercice du remix, de ne pas sortir d’EP, de réimposer le style comme un acte artistique intransigeant, de grandir tout en s’appuyant plus que jamais sur les bases, tout en contant le voyage qui mène d’un sourire jamaïcain à la révolte londonienne.
Sur ce deuxième album, Clubroot continue d’appliquer la définition de Kode9 : « Le sub-bass est la seule chose fixe. On peut mettre ce qu’on veut par dessus » et sur une base très homogène, entre hypnose et lassitude, il greffe des sons, des influences et des vocalises ethniques. « Dry Cured » est ainsi une sorte de manuel d’utilisation de Clubroot : au choix envoûtant ou répétitif, il donne dans un dubstep particulièrement deep qui évolue sur des nappes synthétiques discrètes mais essentielles.
Des voix lointaines, à peine perceptibles, se confondent avec le son des claviers « Orbiting » et on ne sait jamais si les chœurs sont la complainte d’âmes esseulées ou si au contraire ils incarnent des prières lumineuses (« Waterways »).

« II-Mmx » accompagne l’auditeur au travers d’une brume dense à travers laquelle on peut parfois entrevoir les échos d’autres civilisations : du gothic dubstep (« Toe to Toe ») et des courants orientaux (« Dust Storm »).

Cependant, on sent bien que naviguant à vue, Clubroot n’ose pas prendre de décisions qui risqueraient de déstabiliser son organisation naissante. Si les rythmiques de « Running On Empty » proposent des variations intéressantes, il faudra souvent se contenter de boucles qui ne remettent jamais en cause leur nature et de claviers qui manquent parfois de profondeur (« Whistles & Horns », qui aurait pu être un équivalent au« Sempiternal » de l’album précédent mais s’essouffle en chemin). De même, on sent combien Clubroot n’est que peu à l’aise avec les durées courtes, l’interlude « Sjambok » ne faisant preuve d’aucune personnalité.

« II-Mmx » se clôt sur une dernière vague de beats empoisonnés. Rien n’est certain mais au loin une légère lumière semble tenter de transpercer le brouillard. Arrivé au port, on se réveillera sans se souvenir du moindre détail du voyage mais en sachant que c’est le son qui, de par son cocon rythmique, nous a protégé des tempêtes.

Note : 7/10

>> « II-Mmx » est en écoute sur Spotify
>> A lire également, la critique de Manolito sur Chroniques Electroniques et la critique de Bishop sur Substance M