Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

Seuls les défricheurs de netlabels où les nostalgiques de l’acid hardtek de Sagaloops au début des années 2000 connaissent Frank Riggio. Ce Français, aujourd’hui basé aux environs de Toulouse, s’est intéressé au sound design et au hardware il y a quelques années. Il a enfanté de deux albums, Anamorphose (chez Spectraliquid) et Symmetric Human Door (chez son pote Spoonbill de Omelette), encore aujourd’hui disponibles en libre téléchargement. Certaines mauvaises langues disent qu’il copie vulgairement Amon Tobin. D’autres plus inspirées, disent qu’il s’est surtout inspiré de sa manière d’envisager le sampling et les breakbeats. Riggio nous a récemment confié, lors d’une interview à venir, qu’il abandonnait le “tout sampling” et qu’il souhaitait construire une trilogie ambitieuse d’albums. Texturtion/Distosolista, double EP formant un album, s’élève donc comme le plaidoyer ou la thèse, d’un artiste qui souhaite amener sa musique à un niveau de qualité et de diffusion supérieure. La récente annonce de sa participation au quatrième épisode des Emerging Organisms de Tympanik semble confirmer la tendance.

Avant toute chose, oui, Frank Riggio est un enfant du hip-hop qui s’est pris les cadors de Ninja Tune en pleine gueule. Oui, il est sévèrement influencé par des pointures comme Amon Tobin, Blockhead ou Flying Lotus et Prefuse 73 (de chez Warp). Mais Riggio est surtout un bidouilleur insatiable, passionné par les techniques d’affinage et de mutation des textures. Renoncer au sampling c’est avant tout désapprendre sa manière d’envisager la musique, mais c’est aussi gagner en souplesse et en créativité. Et à ce petit jeu là, Riggio peut légitimement se targuer d’un titre d’orfèvre. Si Texturtion apparaît comme plus abstract hip-hop et donc plus proche de ses travaux antérieurs, les titres Soul ImmersionVisual Aura (délicieusement Blockheadien dans les cuivres) ou le lumineux Eclipsed By Its Stars’élèvent comme des oeuvres inspirées par les anciens, mais utilisant une technologie moderne que Ninja Tune ne s’est jamais donnée la peine d’exploiter (ou alors, à de rares exceptions).

La vraie surprise vient du fait que sur Distosolista, le Français a su sublimer la dimension psychédélique qui éclaboussait ses anciens travaux. Sa dark side quelque peu expérimentale ne nous avait pas encore été aussi bien révélée. Mutation, distorsion, échantillonage et parasitage sont les maîtres mots de cette électronica évocatrice, digne d’un film d’angoisse en eaux troubles. Se distinguent particulièrement le positivement cradingue DongDongDongDerozenTen AuraMorphing Bass et Beat Wing. Parvenir a rendre complémentaire ses deux EP très différents n’était pas chose aisée. Avec son inaltérable goût pour les breakbeats et les basses trépanées, Riggio y est parvenu en transformant son style influencé en approche originale.

Cette réalisation semble néanmoins être un cri d’amour propre, venant d’un artiste qui souhaite maintenant sortir du bois de la confidentialité parfois imbibée d’amateurisme, et être reconnu à sa juste valeur. Le voilà plus que bien parti tant cet album est un bel objet. Mais cette troublante réussite ne pourrait malgré tout être qu’un teaser de la trilogie à venir, tant la créativité et le potentiel du Français semble s’être décuplés. Laissons un certain Shift finir l’artwork du premier volet et plongeons nous dans une attente qu’on espère assez courte.

Note : 8/10

https://www.youtube.com/watch?v=OSHQQ3_u1d8