On n’a jamais perdu de vue Ivy, élégant trio franco-américain resté trop sage pour faire du bruit, et pas tout à fait assez génial pour s’attirer les pleurs des fan-clubs entre deux disques.
On les avait laissés avec un quatrième album passé inaperçu, et un disque de reprises, inégal mais charmant. Car c’est avec un bon goût insolent qu’Ivy entreprend toute chose. Ce qui leur a valu d’apparaître dans la bande originale de séries intraitables sur ce point.
Ivy, c’est cette retenue dans le chant de Dominique, qui pourrait la faire passer pour une actrice venant de franchir le Rubicon. Une forme de quant-à soi distingué ma foi plus britannique que yankee, et qui nous perd un peu. Ni vraiment Autour de Lucie, ni complètement Saint-Etienne, Ivy garde sa propre touche, à portée de vue de cette famille éloignée dont ils partagent la chronologie.
Peu de groupes encore en activité portant gravées au front les années 90, continuent d’incarner cette forme de pop dont l’heure de gloire est déjà passée. Dans une galaxie parallèle, où tout n’est que classe et talent, Stereolab, les Go-betweens, Autour de Lucie, nous ont souvent fait chavirer.
C’est un peu le choc de retrouver Ivy par des beat électroniques, sur All hours. Un groupe homonyme ? Un virage à 90°, ou encore une envie de raviver les meilleures années dance de Kylie Minogue ?
Dès que Dominique apparaît, avec son chant reconnaissable entre mille, on retombe sur nos pieds face à l’évidence d’une tout autre comparaison. Sans aller aussi loin dans les contrées électro que le firent Everything but the girl sur leurs deux derniers albums, c’est encore avec eux que la comparaison prend le plus de sens. Avec le chant de Laetitia Sadier, aussi, déesse d’élégance et de douceur qui apportait sa « touch of French » à Stereolab avant de briller ses propres feux.
C’est dans ce beau paysage qu’évolue Ivy. Sans avoir été aussi marquants et influents que ces glorieux contemporains, le trio n’a jamais démérité. Aujourd’hui ? Que reste-t-il aujourd’hui d’une certaine conception de la pop venue des année 80 ? Ses productions sans fard à l’oeil, son sens du refrain et de la voix bien ourlée… et puis ce subtil dosage doux-amer, sentiments mêlés sur tempo mellow. Les années Prefab sprout et EBTG. L’esprit Cherry red, l’esprit Sarah, l’esprit Village vert grâce aux délices de Valérie Leulliot et Autour de Lucie. D’ailleurs You make it so hard, Everybody knows, nous ramènent délicieusement 15 ans en arrière, aux virées à vélo des premiers jours, dévalant la pente mal installé sur le guidon, riant de “hou” en “ah” à chaque caillou.
Au revoir Simone incarne à merveille ce sens du clair-obscur mélodieux qui a toujours été la ligne de conduite d’Ivy. Partis de très haut avec deux albums remplis de tubes potentiels, Ivy a rapidement perdu le peu d’exposition dont ils avaient joui. All hours contient moins de bijoux, leur taille est moins fine (la boîte à rythmes de World without you), mais a autant de joie à porter ses parures. On reste prudent à la première écoute, mais on savoure un peu plus chaque rotation sur la platine, on balance les épaules sur How’s never, on claque des doigts sur Suspiscious, les mélodies sont toujours aussi discrètes que solidement ancrées dans nos oreilles.
Ivy dit avoir retrouvé la flamme, en tout cas dans leurs yeux et les nôtres il reste une étincelle. Rien que pour ça on peut les remercier.