Wilco fait partie de ces groupes dont on se garde de se détourner pour de bon. Et c’est une bonne idée, tant une bonne surprise comme cet album est envisageable. C’est via “A Ghost Is Born” que j’avais découvert la formation, et cet album mêlant des choses anciennes (les délires fuzz de Neil Young) et une sensibilité maitrisée m’avait impressionné. Et puis “Sky Blue Sky” avait marqué un virage plus lisse, plus rempli de sons qui ne passent pas toujours l’Atlantique avec fraicheur (pedal steel guitar, ce genre…) et se terminait pourtant par le formidable On and On an On. Je me surprends à avoir des perceptions très différentes des albums d’un groupe qui finalement ne se renie jamais.
Tout d’abord, ce groupe ne fait rien comme les autres, puisque les deux morceaux les plus ambitieux sont placés et tout début et toute fin d’album. Pourquoi ne pas introduire ce versatile album par le très trippé Art Of Almost ? Après tout, tant qu’à faire surgir le passé, pourquoi ne pas restituer l’angoisse tendue du Krautrock dans trois minutes fiévreuses qui clôturent cette jolie chanson. Peut-être qu’ils essaient aussi de faire passer le message de la suprématie de l’album sur le single, de l’ambiance qu’on installe plutôt que le zapping superficiel. Il faut s’installer dans cet album, respecter l’ordre des plages, parce que le voyage est soigneusement organisé. I Might placé en second lieu a une ressemblance troublante avec ce qu’on a pu entendre chez Spoon.
Ce titre est suivi d’une balade au piano et d’un morceau pop léger (Downed On Me). Toute la versatilité du groupe est contenue dans cet enchainement, le compact et l’ample, le détendu et le fiévreux. Et puis il y a ces surprises comme Black Moon qui me fait penser aux dEUS récents, avec du violon en plus. Ce morceau m’a un jour cueilli à l’exact bon moment pour entrer en résonance. Ça ne s’explique pas, ça ne se justifie pas. Il était là et moi aussi… J’ai donc apprécié la coolitude de leurs morceaux plus apaisés, le fait qu’ils osent être simplement plaisants et légers (Capitol City, The Whole Love) entre des plages plus ambitieuses comme l’intime final One Suday Morning (Song For Jane Smiley’s Boyfriend) qui me plait beaucoup en tous cas.
Wilco est finalement un groupe à contre-courant, cachant mal sa complexité, ne jouant pas de grands effets, et pouvant étirer une chanson intimiste sur 12 minutes sans se sentir obligé de la gratifier de passages progressifs, de plages distinctes. Il est bon de voir que si une partie de leur son léché est estampillé ‘seventies’, ils ne reproduisent pas nécessairement les tics de la décennie. Cette longueur, cette répétition est une arme à double tranchant, parce que la lassitude est un risque potentiel qu’on n’effleure même pas ici.
Wilco ne ressemble à rien d’autre et finalement, c’est très bien comme ça. Peut-être tombe-t-il à un moment propice ? J’ai en tout cas de nouveau succombé à ce charme discret et difficilement définissable (c’est le principe du charme me direz-vous).