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PORTUGAL de Cyril Pedrosa

Par Anthony, le 20-10-2011
Littérature et BD

Portugal n’est pas un énième Guide de la bande de Philippe Gloaguen et sa horde de malins routards mais bel et bien un petit bijou de bande dessinée. Osons les superlatifs : ce brillant pavé de Cyril Pedrosa recevrait une flopée d’étoiles méritée sur un Trip Advisor de la BD.

Portugal, c’est l’histoire de Simon, un auteur de BD (tiens, tiens…) qui traverse une grave période de doute. Incapable de s’engager avec son amie Claire, en panne d’inspiration, tournant en rond dans une psychanalyse interminable qui va jusqu’à épuiser sa thérapeute, Simon n’a juste plus envie. De rien.

2 évènements simultanés vont sortir Simon de sa torpeur et avoir finalement raison de sa relation avec Claire : une invitation à un festival au Portugal – l’occasion pour Simon de fouler la terre d’origine de sa famille et retrouver ces odeurs au parfum d’enfance – et le mariage de sa cousine qui va lui permettre de récréer du lien avec son oncle et son père. Faisant table rase de son présent, Simon va partir en quête de ses origines, démêlant les mystères du passé pour mieux se construire un avenir.

Dans la famille de Simon, le Portugal est un lieu aussi proche que lointain, un objet de nostalgie aussi bien qu’une cause de fuite. Une source de fêlures comme il en existe de nombreuses dans les familles, a fortiori lorsque celles-ci ont dû se séparer. Les uns reconstruisant leur vie dans une France accueillante, les autres subissant la dictature de Salazar. Entre le père de Simon et son frère, un non-dit traîne, l’héritage d’un traumatisme familial persiste malgré les années qui passent. Des choses non résolues qui se transmettent de père en fils comme un gêne récurrent. Simon s’en convainc dans son âme et son cœur, puis l’évidence se fait : l’explication est là-bas, au Portugal… Pour enfin se retrouver. Ou se trouver, tout simplement.

Le cheminement de Simon, l’émotion qui l’assaille au moment de ses premiers pas au Portugal, se traduisent dans les dialogues de Pedrosa mais surtout dans la mise en forme de son récit. Le jeu des couleurs – l’alternance de tons sépias pour le récit du passé, les couleurs maussades de la période de déprime de Simon aux côtés de Claire, l’apparition des couleurs chaudes lors du mariage de sa cousine et plus encore lors des voyages au Portugal – accentue la sensation d’assister à une transformation de l’état psychologique de Simon. Le lumière se fait autour de lui aussi bien qu’au plus profond de son être, les révélations sur le passé de son grand-père et des raisons de son arrivée en France agissent sur Simon comme une photo pleine de contrastes apparaissant petit à petit sur un tirage Polaroïd.

Dans le même registre formel, les parties du récit situées au Portugal conduisent Pedrosa à jouer également sur le son, où les cases se remplissent soudainement de bulles en langue locale, noyant Simon dans un déluge de mots chantants dont il ne comprend pas la signification. Et puisque le talent est dans les détails, Pedrosa va jusqu’à coloriser ces bulles de mots exotiques, soulignant l’isolement et l’immersion de Simon dans ce pays aussi accueillant que nouveau.

Croisant les genres de la chronique familiale, du récit existentiel, du carnet de voyages et de la quête des origines, les 260 pages de Portugal sont un grand spectacle intimiste, un Son & Lumières de la quête de soi, un modèle de sensibilité et de sincérité. Un Guide du Routard introspectif, où Pedrosa épate par l’intelligence qu’il déploie dans la conduite de son récit.