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Amour : La jeune fille et la mort

Sortie le 24 octobre 2012. Durée : 2h07min

Par Alexandre Mathis, le 29-10-2012
Cinéma et Séries

Haneke n’a d’yeux que pour son sadisme infernal. Il refuse de chercher la lucarne de lumière qui pourrait parcourir ses films. Avec Amour, Palme d’or 2012, il a beau raconter une vraie histoire d’amour, sa nature le rattrape. Pourtant, il est un élément qui oxygène son récit, et pas les moindres : Emmanuelle Riva alias Anne. C’est elle que l’on découvre dès le début à l’état de cadavre momifié. La suite retrace le douloureux parcours vers la mort au côté de son mari George (Jean-Louis Trintignant). Mais Riva, princesse punk du cinéma français, fait tout pour renouer avec sa nature de jeune fille. Le temps peut bien la concasser avec la maladie, les rides peuvent bien voiler la figure de femme fantasmatique de l’époque de Hiroshima mon amour, son jeunisme reste intact. Dans le plus bel instant du film, elle tourne les pages de son album de familles. Les épidermes lisses refont surfaces, Trintignant retrouve sa vigueur d’antan, tout cela sans jamais tomber dans la facilité. Plus étourdissant encore cette scène où son ancien élève de piano (Alexandre Tharaud) passé maitre vient leur rendre une visite surprise, il la remercie de son aide, de son soutien. Alors, elle rougit, comme une jouvencelle à qui ont viendrait déclarer sa flamme.

Ce jeunisme, il se retrouve jusque dans son phrasé, limpide et sensuel. Ce couple, dont on devine le lien très fort, ne s’enlace que par nécessité d’aider la malade à se déplacer. Le geste est fort, sensible et la pudeur est dans un premier temps de mise. Mais la maladie rattrape cette beauté, la situation se délite. Au bout d’une heure, Haneke nous ressert son traditionnel dolorisme. Rien ne nous est épargné, de la souffrance visible de Riva au désarroi noble de Trintignant. Le double palmé en or prend sciemment plaisir à faire souffrir le spectateur. Il l’attache au quotidien glauque. La lumière de Darius Khondji offre vainement quelques espaces de blancheur. Le reste est régi par le marron spleenétique de l’appartement où quelques toiles rehaussent les couleurs. N’aurait-on pas pu quitter cet appartement malgré un contrat qui semble clair ; hormis la scène d’exposition dans un théâtre, tout le reste se passe dans ce lieu, comme attaché à la dégradation de la situation. La recherche de ce réalisme froid n’est-il pas un peu court comme geste de cinéaste ? On est en droit d’attendre plus que ce petit jeu désormais connu chez l’autrichien où les portes et les murs façonnent un jeu de hors-champ.

Dans Amour, il n’y a pas d’échappatoire, ni en religion, ni en rêverie (si l’on excepte un cauchemar bien superflu). Haneke assène sa méthodologie en faisant (re)vivre l’un des moments les pires qu’il soit dans la vie d’un humain : voir un proche s’en aller. Riva dit bien à Trintignant : « tu es un monstre parfois », celui qui martyrise, celui qui protège en théorie. George cache l’évolution de la situation à sa fille, intériorise beaucoup de peine, et, c’est à saluer, pas une larme n’est déversée par le couple. Le renfermement mortifère amène une frontalité un peu dérangeante. Il n’y a rien à dénoncer, rien à prouver dans ce film. Alors encore une fois, pourquoi une telle volonté de faire souffrir son public ? Aussi sincère soit le film, il nous est impossible de ne pas voir dans la démarche d’Haneke un sourire sadique irritant. On a compris qu’il était fort pour cela, que la lumière soit, que le pigeon s’envole et qu’il arrête de nous torturer.